Cette petite histoire du kiteboat n'a pas pour vocation de répertorier toutes les expériences de la pratique, mais plutôt de montrer comment, depuis plus d'un siècle, le cerf-volant a pris place à bord des bateaux à travers des expériences diverses.
D'inventeurs farfelus à de puissantes entreprises en passant par des navigateurs aguerris, le cerf-volant a montré son potentiel à bord des bateaux.
L'idée d'utiliser un cerf-volant à bord d'un bateau n'est pas une idée récente. Ce type d'utilisation aurait son origine quelque part dans le pacifique. Le cerf-volant fait en feuilles d'arbres avait la fonction de servir de canne à pêche... et inévitablement de tracter l'embarcation.
Photo Guillaume Boutigny - Muséum du Havre
On trouve des gravures du XIX siècle qui montre cette fois l'intérêt qui est porté au cerf-volant pour le sauvetage en mer, et notamment dans le cas de bateaux faisant naufrage près de la côte. Le cerf-volant est utilisé pour porter un filin qui sera fixé entre la terre et le bateau et qui permettra d'évacuer les personnes et les marchandises.
Photo : Brevet de J.W. Davis de 1893 -Lire l'article en anglais (page 15)
La première expérience de navigation tractée par cerf-volant dont on trouve trace est celle de Samuel Franklin Cody, aérostier cow-boy, qui effectue une traversée de la Manche en 1903, allant de Calais à Douvres tracté par un cerf-volant. Son bateau mesurait environ 4m de long par 1,50m de large. Le cerf-volant utilisé était un Cody. Il s'agit d'un cerf-volant monofil ayant une voilure biplan dont l'armature de bambou rigidifie la voilure en coton. Dans un article de l'époque, le cerf-volant est désigné comme un « aéroplane » répondant au nom d'« Old Faithful ». Le cerf-volant était alors un outil servant les recherches aéronautiques. Il permettait des ascensions humaines qui se révélèrent utiles pour faire de l'observation en période de guerre.
Le cerf-volant «Gibson Girl» de la Seconde Guerre mondiale faisait partie d'un kit placé dans des radeaux de sauvetage dans l'espoir que les aviateurs abattus puissent l'utiliser pour lever une antenne et appeler à l'aide. En élevant l'antenne, la portée du signal était considérablement augmentée.
C'est en 1977 que le cerf-volant refait son apparition à bord de bateaux. Keith Stewart traverse à son tour la Manche à bord d'un petit catamaran tracté par un train de 6 deltas. Il fait ensuite une apparition remarquée à la semaine de vitesse de Brest en 80 avec un cerf-volant gonflable qui le tracte à la vitesse de 9,9 noeuds.
La semaine de vitesse de Brest a attiré quelques participants avec des bateaux aérotractés. Parmi ces tentatives, on retiendra celle de Ian Day à bord d'un Tornado tracté par un train de Flexifoils qui monta à 18,6 noeuds. Mais les « fous flottants » qui firent sensation sont les frères Durand qui atteignirent la vitesse de 23 noeuds à bord d'un tripode équipé de foils circulaires.
A la même époque, si certains cherchaient à aller vite, d'autres souhaitaient aller loin. Ed Gillet quitta la Californie pour rejoindre Hawaii à bord d'un kayak tracté par un parafoil.
Arnaud de Rosnay utilisait aussi des cerfs-volants durant ces traversées en planche à voile. Il les utilisait pendant les périodes de repos pour stabiliser la planche. Il a par ailleurs déposé un brevet concernant un équipement pour les radeaux de survie comprenant un cerf-volant et différents moyens de se faire repérer à l'aide de ce cerf-volant.
Photo : Site d'Arnaud de Rosnay
Les frères Legaignoux sont bretons. Et les bretons aiment naviguer... il faut dire qu'ils ont un terrain de jeu assez exceptionnel ! Les deux frères commencent à s'intéresser à la traction sur l'eau. Entre la semaine de vitesse de Brest et les tentatives de Cory Roesler qui fait du ski nautique tracté par cerf-volant aux USA, il y a de l'émulation.
Dominique et Bruno vont déposer le brevet de l'aile à boudins gonflables. Ils devront attendre plus d'une dizaine d'années avant que n'émmerge le kitesurf, mais leur invention contribue indéniablement à l'explosion de ce sport.
Photo : Flysurf.com
Peter Lynn est très certainement un des plus grands inventeurs du monde du cerf-volant. En bon néo-zélandais, il est très vite intéressé par le potentiel tractif des cerf-volants pour naviguer.
Il réalise alors un petit tripod pour naviguer... mais le succès n'est pas au rendez-vous. Il a alors l'idée en 1990 de remplacer les flotteurs par des roues : le buggy est né. Et cette fois c'est un succès commercial.
Depuis, Peter Lynn a développé d'autres bateaux, dont le Kite Cat.
Nicole van de Kerchove est la première à avoir effectué une traversée de l'Atlantique, en 1995. Son objectif était de démontrer l'intérêt du cerf-volant de secours en navigation.
Pour sa traversée elle est donc partie des canaries pour rejoindre la Guadeloupe sur un bateau de série démâté (Jod 24). Elle a uniquement utilisé des cerfs-volants monofils ne nécessitant aucun pilotage afin de prouver que cette utilisation est à la portée de tous.
Photo : Le Télégramme
Il est difficile de dire à quelle date précise est né le kitesurf. La seule certitude est qu'il est né en France, d'où le nom flysurf qui va ensuite être remplacé par celui de kitesurf lorsque les anglosaxons vont s'y intéresser.
Il y a eu convergence de différents éléments. D'une part, dans le sud de la France, entre Palavas et Leucate, quelques pionniers commencent à naviguer avec des planches bricolées et des gros deltas. La pratique est galère : quand le cerf-volant tombe à l'eau, on rentre à la nage ! D'autre part, les frères Legaignoux ont amélioré leur aile qui est commercialisée sous la marque Wipika et qui peut redécoller de l'eau... ce qui arrange bien les sudistes en galère.
C'est à ce moment que Manu Bertin fait une photo double page en kitesurf dans un magazine de windsurf. Le kitesurf est né !
Photo : Anthony Holder
Au début des années 2000, cela fait déjà une vingtaine d'années que Dave Culp se penche sur le sujet du kiteboat. Après avoir conçu des petits bateaux destinés aux compétitions de vitesse, il a mis au point un spinnaker volant pour les voiliers utilisant un gréement classique. Il a introduit le cerf-volant dans le milieu de la régate durant l'America's Cup. Le défi Oracle s'est présenté en compétition avec un spinnaker volant au dessus du bateau. Bien entendu, ce spinnaker ne rentra pas dans la jauge et fut interdit pendant les compétitions.
Photo : le système kiteship développé par Dave Culp
En 2001, la société Skysails est crée. Son objectif est d'utiliser des ailes pour tracter des cargos et ainsi économiser du carburant. En 2007, une première tentative est réalisé avec le navire Beluga. A ce jour le système est toujours en développement et sa généralisation sur d'autres navires n'est pas effective.
A noter que d'autres entreprises s'intéressent à ce secteur.
Les organisateurs de la course transatlantique à la rame Bouvet-Guyane décident de rendre obligatoire le cerf-volant de secours à bord des bateaux en 2012. Le cerf-volant entre dans la jauge.
Cette décision est prise après un test effectué en 2009. Christophe Lemur, concurrent malheureux, est contraint à l'abandon au milieu de l'atlantique. Le bateau accompagnateur lui apporte le cerf-volant de secours qu'il déploie. Il ralliera la Guyane ainsi effectuant certainement le plus long vol en cerf-volant : 15 jours non-stop.
D'autres concurrents auront ensuite recours à cette assistance dans les éditions suivantes de la course.